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Entrevue: Youssou Ndour à coeur ouvert


Tout a été dit sur lui. Quand il commençait sa carrière au début des années 80, personne ne misait un copeck sur lui. Sa volonté, sa persévérance et sa générosité ont fait la différence. Youssou N’dour est aujourd’hui une star planétaire, une icône de la musique mondiale. Porte-voix du petit peuple, il a choisi de monter d’un cran sur les scènes d’expression des besoins des populations en faisant une incursion dans la politique. Mais les gènes de la musique étant fortement ancrées en lui, le roi du M’BALAX revient sur la scène musicale avec «Africa Rekk» sortie chez SONY MUSIC.

Nous l’avons rencontré lors de son dernier passage à Abidjan, voici ce qu’il nous a confié.

Qu’est-ce qui vaut l’honneur de votre présence ici en Côte d’Ivoire ?

Youssou N’Dour : C’est le respect du public africain, des mélomanes ici en Côte d’ivoire. On va en France, en Angleterre, aux Etats-Unis, en Allemagne pour présenter nos albums. Aujourd’hui, on se rend compte que la majeure partie du public est là, ici sur le continent. On a des médias, des professionnels… Il faut venir expliquer un tout petit peu nos œuvres. C’est pour cette raison que nous sommes ici à Abidjan qui est un carrefour où on a beaucoup de fans.

 Aujourd’hui, tous ceux qui ont applaudit l’avènement de l’album «Africa Rekk» se posent une question. Est le retour de l’artiste dans ce qu’on peut appeler sa planète ou un break du politicien, du businessman ?

 C’est une question très difficile. Vous avez que l’art ne quitte jamais l’artiste parce que c’est une passion. C’est quelque chose qu’on a eu reçu de nos grands-parents. C’est tout une histoire, une tradition, la culture. Moi je ne vais jamais quitter la musique. C’est toujours en moi. Maintenant les fonctions, ce sont les choses qui peuvent arriver. On mesure l’importance de ces fonctions qu’on se donne. Il y a des événements qui concernent le continent, qui concernent le pays. Au moment où ces événements se passent, il faut s’y donner. Il s’agit du destin de la cité. Mais ce n’est pas le retour. Il y a eu un break, mais je reste toujours un artiste passionné par son art.

 Après 34 albums, huit (8) best of, vous avez envie de quoi encore ?

 Mais écoutez ! C’est très intéressant de pouvoir être là et de voir qu’on a eu à faire énormément de choses. Cela est très intéressant au niveau artistique. Cela vous démontre un tout petit peu que la musique est faite d’une certaine manière avec des musiciens, avec des vraies compositions, avec une vraie démarche aussi, c’est quelque chose qui doit rester.

Résultat de recherche d'images pour "youssou ndour"On a l’impression que cela a tendance à nous quitter un tout petit peu. Quand on voit tous ces albums qu’on a eu à faire, on se rend compte qu’il faut rester avec l’art, avec les gens. Je veux dire qu’à partir du moment où tous les albums qu’on a fait, il y a eu des gens derrière, qu’il y a eu des musiciens, qu’il y a eu un travail, qu’on a commenté notre société… on se dit aussi, même si on a fait beaucoup, il y a des choses qu’on n’a pas pu faire.

C’est le sens de ‘‘Africa Rekk’’. Parce qu’à un moment je me suis rendu compte que je n’ai pas fait beaucoup de choses en Afrique avec les africains. J’ai fait beaucoup de choses avec la musique anglo-saxonne, dans la World-Music un peu partout. Et je me suis rendu compte que je n’ai pas fait beaucoup de choses avec les africains. C’est cet album qui vient répondre un tout petit peu à ce manque. On a vu 34 albums, sans une vraie collaboration avec l’Afrique.

Et c’est la motivation dans un premier temps de faire quelque chose. Faire quelque chose surtout qui a une grande importance dans la musique africaine avec une certaine diversité. Je veux parler des collaborations avec des musiciens, avec des styles, avec des catégories, avec des courants… Et il y a aujourd’hui cette musique urbaine africaine qui est l’affaire des plus jeunes que nous et qui fonctionne très bien. Cela fait partie de l’inspiration que j’ai eu à présenter cet album aujourd’hui, tout en me disant que ce cap de n’avoir pas fait assez avec l’Afrique et les Africains, est résolu. Et l’autre chose, c’est rendre hommage aux plus jeunes. Leur faire un clin d’œil

 Dans «Africa Rekk», vous faites un retour en Afrique, dites-vous, du moins vous voulez donner d’avantage à l’Afrique. En termes de collaboration, de tendre la main à l’Afrique dont vous parliez, comment cela s’est matérialisé ? Quel a été l’apport, le niveau de collaboration, de l’implication de l’Afrique dans la réalisation de cet album ?

 D’abord il y a une réalité aujourd’hui, c’est que la musique urbaine africaine est quelque chose dont nous sommes fiers. Résultat de recherche d'images pour "youssou ndour"Elle est faite par un peu plus jeunes que nous. Notre musique au Sénégal qui s’appelle le M’BALAX, est une musique assez originale, mais qui ne garde pas les mêmes configurations que les autres musiques en Afrique. Cet album, c’est comme si le M’BALAX écoutait les autres musiques. Et en écoutant les autres musiques, il écoute aussi la rue de l’Afrique. Et la rue est incarnée par ces jeunes qui sont venus nous retrouver et chanter avec moi.

A travers Akon, Fally Ipupa ou Spoïlet, tous sont venus de la rue, de cette musique urbaine là, pour chanter avec moi. Donc voilà l’idée de cet album. Parce que nous n’avons pas pris seulement un rythme, par exemple de la Rumba pour l’associer au M’BALAX. Nous avons pensé autrement. C’est pour moi, une découverte, la rencontre de plusieurs musiques. C’est très intéressant pour moi.

 Le premier Album de Youssou N’Dour est sorti en 1984. Jusqu’à «Africa Rekk», votre dernier, quel est le parcours, quelles sont les différentes étapes de rupture, si on considère «Africa Rekk» comme une rupture par rapport au M’BALAX original ?

 Oui, moi je suis Wolof, M’BALAX, Sénégal. Mais depuis longtemps, j’ai toujours refusé le cantonnement. Dans l’une de Résultat de recherche d'images pour "youssou ndour"mes chanson ‘‘Set’’, j’ai dit que la ‘’musique n’a pas de frontière’’. Donc moi, j’ai toujours refusé d’être ancré dans un style. Souvent on dit celui-ci doit fait une musique qui ressemble à ça. Non ! Moi je refuse. J’ai dit que je suis libre de rencontrer tous les styles de musique. Et cela a toujours fonctionné ainsi dans ma tête.

Au tant je fais du M’BALAX, au tant je fais d’autres choses à la Sénégalaise. J’ai toujours prôné l’ouverture, la rencontre des autres sonorités. D’ailleurs, mon public au niveau du Sénégal et ailleurs prend cela en compte. Ils ont été bien briffés tout le long de mon parcours, de comment les choses se présentent. Ils savent que cela fait partie de mon parcours, de mon expérience. Ils savent reconnaitre que ceci est une musique internationale ou locale etc.

 A propos de musique internationale, vous avez eu la collaboration avec plusieurs artistes comme Neneh Cherry, Peter Gabriel… Est-ce qu’aujourd’hui, quand on jette un coup d’œil en arrière, cela n’a pas influencé la coloration de votre musique ?

 Non ! Pas du tout. Au contraire, moi j’ai toujours refusé d’aller vivre ailleurs parce que ma musique a besoin aussi de mon environnement. Vous savez, à une rencontre, on donne mais on gagne. Et ces rencontres ont été intéressantes musicalement pour tous. Les gens que j’ai eu à rencontrer ont eu pour la majeure partie du respect pour la musique africaine et pour cet environnement. Et quand on se rencontre, c’est une vraie collaboration où chacun décide, contribue et participe. Et cela m’a personnellement intéressé. Je n’en ai pas de regret.

 Avant «Africa Rekk», il y a eu «Sénégal Rekk», nous ne demanderons pas quelle est la différence mais nous diront quel saut !

Youssou N’Dour : Actuellement, vous savez que beaucoup de pays se referment sur eux-mêmes. Vous allez dans un pays, vous écoutez la
musique locale de ce pays et après vient la musique internationale. Donc je disais que le M’BALAX, est une musique que nous défendons et dont nous faisons la promotion. J’ai voulu dans «Africa Rekk», sortir le côté M’BALAX qui, dans un album de 12 titres, nous lui dédions 4 ou 5 titres. J’ai lancé «Sénégal Rekk» et ensuite prolonger un peu le voyage pour donner «Africa Rekk». Mais dans «Africa Rekk», il y a «Sénégal Rekk». Tout comme le Sénégal est dans l’Afrique.

 De façon concrète, quelles sont les noms, les signatures qui ont contribué à la conception, autrement dit à la réalisation de «Africa Rekk», en termes d’artistes, de techniciens… ?

Youssou N’Dour : J’ai travaillé avec mon frère cadet (NDLR : Ibrahima N’Dour) qui m’a beaucoup fatigué (rires). Parce qu’il arrange Résultat de recherche d'images pour "youssou ndour"beaucoup et il produit énormément. Donc j’ai discuté avec lui pour lui confier la réalisation de cet album et de lui donner carte blanche. C’est lui qui était devant. J’ai composé. Et lui, il a arrangé. Travailler avec les plus jeunes, c’est avoir une capacité de les écouter et de comprendre un tout petit peu.

Ce bouillonnement a vraiment existé autour de l’enregistrement de l’album. Le choix a été discuté sur les musiciens qu’on devrait prendre. Les arrangements ont été discutés avec quelqu’un qui n’avait même pas encore 5 ans lorsque j’ai commencé la musique. Ce choc de rencontre de générations était très intéressant pour nous qui avons plus d’expérience, d’écouter des gens qui en ont moins que nous.

Les artistes comme Fally Ipupa et Akon notamment sont annoncés sur l’album. Est-ce que c’est vrai et combien sont-ils exactement ?

 Oui, il y a eu trois rencontres. Il y a un jeune du Nigeria. C’est un garçon qui chante très bien, il a un très bel avenir. Il s’appelle Spotless. Il y a eu Akon, parce que l’idée c’était de chanter en Wolof. On a fait un titre sur ‘‘Sénégal Rekk’’. On l’a repris mais cette en faisant un peu plus de place à la langue Anglaise. Fally, c’est un garçon que j’adore, il a une superbe voix, avec un esprit extraordinaire que j’ai eu à inviter à Bercy d’ailleurs. Donc j’ai pensé à lui pour ce titre et cela lui a beaucoup plu. Donc j’ai pris ces trois pour symboliser cette ouverture.

Est-ce que personnellement vous êtes satisfait de l’album ?

Y N’ : Oui ! Oui ! Oui ! Je suis très satisfait. (Eclats de rire)

 Au-delà des fans irréductibles de Youssou N’Dour, à quel public cible cet album est destiné dans sa conception initiale ?

Youssou N’Dour : D’abord, c’est en Afrique, pour qu’on puisse communiquer beaucoup plus avec cet album. Ça permettra de mieux Résultat de recherche d'images pour "youssou ndour"connaître, de mieux découvrir ce que nous faisons. Deuxièmement, que cet album soit un album qui présente l’Afrique d’une autre manière au reste du monde. Ça c’est très important. Et la troisième chose, c’est que tout ce que j’ai dit dans l’album puisse être capté avec le temps. Je le dis en Wolof mais aussi en Anglais pour que cela soit perçu par le maximum de personnes. Parce que ce sont des messages qui me tiennent à cœur, par rapport à notre société Africaine, à l’évolution de l’Afrique, de la culture africaine, et par rapport à l’art d’une manière générale.

 On a connu et aimé Youssou N’Dour chantant ‘‘Set’’. On a connu et aimé Youssou N’Dour chantant ‘‘Birima’’, ‘‘Casamance’’ et autres. Dans quel Youssou N’Dour, Youssou N’Dour est le plus à l’aise ?

 (Eclats de rire) Oh là là, ça c’est très compliqué, parce que tout cela vient de moi. J’aime toutes mes chansons que j’ai eu à mettre en place. J’adore tous les rythmes que j’ai eu à exploiter à un moment ou à un autre. Toutes les chansons ont beaucoup de sens par rapport au moment où on les écoute. Ça c’est le commentaire de celui qui fait les chansons. Maintenant, le public a toujours son mot à dire et c’est très important de l’écouter. Enfin, c’est un échange entre ceux qui écoutent ma musique et moi et cela établi un tout petit peu un lien fort et naturel.

 Youssou N’Dour a connu les plus prestigieuses scènes de la planète. Aujourd’hui, lequel des spectacles vous a le plus marqué ?

 De loin, c’est le spectacle d’Abidjan en 1989 (NDLR : Amnesty international Tour). Il m’a beaucoup marqué. Parce que lorsque nous étions arrivés à Abidjan, il y avait un américain dans le groupe de Sting qui m’a demandé ‘‘Where is Africa ?’’ ‘‘Où est l’Afrique ?’’ Il était étonné de voir des immeubles, de la lumière…. Je lui ai dit : ‘‘on est à Abidjan, on est en Afrique, tu crois qu’on habite les arbres ici ou quoi ?’’ Bref ! J’en étais fier. Le concert d’Abidjan m’a beaucoup marqué parce que pour la première fois dans la tournée, je ne devais pas faire la première partie. Il y avait Bruce Springsteen, Peter Gabriel, Tracy Chapman, Sting et Johnny Clerg.

On m’a dit de jouer au milieu, contrairement aux autres étapes où je jouais le premier. Alors dans la loge, STING qui devait commencer leImage associée concert, sort la tête et voit 40 milles blacks, à moitié nues. Etonné, il me demande ce qu’il doit faire, je lui dis de faire comme eux. Ce jour-là, il a joué torse nu. C’était extraordinaire ! Je me souviens aussi que, Johnny Clerg n’était pas prévu sur la grande tournée. Pour l’escale d’Abidjan, il est venu nous rejoindre. J’ai été très touché par l’accueil que le public nous a réservé. A la fin de sa prestation, Sting m’a confié que c’était son meilleur concert de la tournée. Justement après le concert il a réclamé les images. J’ai été très fier aussi de l’accueil que le public a réservé à Bruce Springsteen.

Il fait du Rock pur et dur mais le gars a été très touché par la réaction du public. C’étaient des moments très forts. C’était un concert qui m’a vraiment marqué parce que c’était pour moi une responsabilité morale. Car nous avons insisté pour venir jouer en Afrique, parce qu’on était programmé pour jouer partout dans le monde. Finalement nous avons été entendus et Abidjan a été retenu. Je ne le regrette pas au contraire j’en suis très fier. Et j’avoue que cela a compté d’une certaine manière dans la suite de ma carrière.

Je me souviens également dans le cadre de cette même tournée, qu’à New Dehli, j’ai été très bien accueilli, parce que j’étais le moins connu. Lors de mon passage, j’ai chanté et avec mes envolés lyriques, j’ai touché le public. Et le lendemain, j’étais à la Une des journaux. Ce sont des choses qui marquent

 Aujourd’hui, après cette carrière et tout ce parcours, qu’est-ce qu’on peut retenir de Youssou N’Dour ?

 Youssou N’Dour fait du Youssou N’Dour. Je viens d’une famille griotte où du côté de ma mère, j’ai pris la chanson. J’ai évolué avec cette chanson. Après, je me suis engagé pour le continent. Porter la parole du continent. Après, mon pays a failli basculer, je me suis engagé, j’ai donné mon nom et tout ce que j’avais pour essayer d’y participer. Ça va mieux. Je fais ma musique, c’est du Youssou N’Dour. Je ne cherche rien de particulier. ‘‘I’m happy man and enjoy myself’’et je dis la vérité. On tape sur la table quand il faut. On fait du plaisir quand il faut. Et on défend aussi quand il faut notre continue

Abidjanshow.com


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