« Mozart Mopaoo Mokonzi », « Papa 5e de la mode » ou tout simplement « Le maître » sont des surnoms qui renvoient à une seule personne, Somsaya Sawadogo. Des surnoms originaux qui traduisent la personnalité de l’homme. Dans le monde de la mode burkinabè, Somsaya arrive à se distinguer à sa manière. Il ne promeut pas seulement la mode, il l’incarne et ce, depuis tout petit. Sa carrière en tant que mannequin, il l’a débutée aux Etats-Unis. De retour au bercail il décide de faire profiter sa riche expérience dans l’art vestimentaire en tant que conseiller vestimentaire mais aussi par le biais de son agence BCBG. Récemment avec ses collaborateurs, ils portent sur les fonts baptismaux, le BCBG icones fashion awards (BIFA). Une autre vitrine de la mode burkinabè mais aussi un cadre par excellence de reconnaissance du mérite de tous les acteurs de la filière. L’évènement a eu lieu le 10 mars dernier. Le 13 mars, nous avons tendu notre micro au promoteur. L’occasion fut belle de parler de sa carrière, du bilan du BIFA, de la mode burkinabè et des perspectives. Lisez !
Afriyelba : D’où est venue cette passion que vous avez pour la mode ?
Somsaya : La mode et moi, c’est une histoire qui date de depuis mon bas âge. Enfant, j’aimais déjà bien m’habiller et être propre. Cela grâce à ma maman. Après mon école primaire, je me suis envolé pour les Etats-Unis. C’est là-bas que j’ai embrassé la carrière du mannequinat professionnel un peu plus tard. Dieu faisant bien les choses, j’ai eu la chance de prendre part à des défiler de fashion show. J’ai eu la chance d’être ambassadeur Sean John, la marque du célèbre rappeur américain Puff Daddy. A côté de cela, j’ai défilé également pour des grandes marques comme Kenneth Cole, Fat Farm et dans plein d’autres fashion week.
De retour au Burkina Faso, c’est toujours dans cette perspective que vous avez mis sur pied l’agence BCBG ?
En effet, avec la petite expérience que j’ai acquise au pays de l’oncle Sam, il m’est apparu nécessaire d’apporter ma petite connaissance à mes jeunes frères et sœurs qui veulent s’engager dans le mannequinat. C’est pour cette raison que j’ai ouvert mon agence BCBG qui a maintenant 5 ans d’existence. Depuis sa création, je peux dire que l’agence fait son petit bonhomme de chemin puisqu’elle apporte sa touche dans la majorité des défilés de mode. C’est lieu pour moi, de remercier tous les acteurs de la mode pour la confiance qu’ils nous accordent.
La mode avec son volet fashion n’est pas l’apanage de beaucoup de Burkinabè. Ils sont nombreux ceux qui préfèrent encore s’habiller avec des tenues importées voir la friperie. Dans ce contexte, est-ce qu’on peut dire que les acteurs de la filière de la mode burkinabè tirent leur épingle du jeu ?
Le constat que l’on fait de nos jours est que les jeunes stylistes ont beaucoup de talents. Nous avons des jeunes stylistes et des mannequins qui ont représenté le Burkina dans plusieurs shows en Afrique et dans le monde et qui ont remporté des prix. C’est dire qu’il y a de la matière. Maintenant, il faut promouvoir ces talents et promouvoir ces savoirs faire. C’est en ce moment que nous, promoteurs de la mode intervenons en créant des cadres d’expression et de valorisation de nos jeunes talents. L’agence BCBG fait des efforts pour promouvoir les œuvres de nos stylistes mais aussi de valoriser le textile local sur le plan international. Aujourd’hui, la promotion du Faso dan fani, ne e résume pas aux conférences et aux grands ateliers. Il faut aussi penser à la promotion visuelle. Et cela se traduit dans les défilés de mode, les shows case… En tant qu’acteurs de la mode, c’est nous qui devons développer des stratégies afin d’amener les populations à aimer ce qui est produit sur le plan local. Nous avons tout ici pour nous habiller. Il n’y a pas de raison que l’on s’adonne encore à la friperie. Enfin, aimer la mode burkinabè, c’est participer à la construction d’une économie forte. Ce sont des emplois qui sont créés sur toute la chaîne, les jeunes sont formés et les producteurs ont des revenus…
Vous l’avez si bien dit, c’est un combat qu’il faut mener pour atteindre cet objectif. Mais est-ce que vous sentez qu’avec les efforts qui sont fournis déjà, les choses bougent ?
Le constat est positif. En tant que consultant et conseiller vestimentaire, il y a beaucoup de personnes que j’habille. Chaque jour que Dieu fait, il y a des gens qui demandent mes services de conseiller vestimentaire. Donc, de plus en plus, les gens accordent de l’importance à la mode et à ce qui est produit sur le plan local. Pour rester toujours dans cette dynamique assez prometteuse, il est important d’encourager la créativité. Il n’y a pas longtemps, quand on parlait du Faso dan fani, les gens voyaient que des boubous que l’on porte pour les funérailles. Mais Aujourd’hui, avec le même tissu, on fait des vestes, des chemises, des gilets … qui sont très beaux. Actuellement, le Faso dan fani a plusieurs matières. On a le 54, le 57 le 52, etc. De façon simple, c’est dire qu’on a du Faso dan fani très fin, d’autres de niveau intermédiaires et d’autres lourds. Ainsi, chaque tissu peut-être adapté à une situation donnée. C’est déjà très bien mais le combat n’est pas gagné pour autant. Il nous appartient de toujours travailler pour innover et après communiquer pour une promotion adéquate de nos créations et de notre savoir-faire. Notre agence BCBG fait le management des stylistes et des mannequins et s’occupe en même temps de leur communication qui, il faut le dire, est très importante.
C’est donc dans cette logique de promotion que vous avez initié le BCBG icones fashion awards (BIFA) ?
Oui, vous avez vu juste. Le BIFA c’est le cadre par excellence d’expression de tous les acteurs de la mode. Quand on parle d’acteurs de la mode, c’est depuis la base jusqu’à la finition. On est content de bien s’habiller mais souvent on oublie les acteurs clés qui sont à la base de la production de ce que nous portons. Quand on parle du coton, il faut voir le coton culteur d’abord. Ensuite, c’est la tisseuse qui file c coton produit qui le transmettre au teinturier qui apporte sa touche. Une fois qu’il a apporté les couleurs il transmet le produit aux stylistes. Ces derniers à leur tour habillent les mannequins qui sont chargés de faire la promotion de ce qui a été créé. Donc, BIFA, c’est la chaîne de l’art vestimentaire toute entière qui est valorisée. Et, si BCBG a décidé de porter de projet, c’est pour que personne ne soit oublié dans la chaîne. Donc, nous avons fait des nominations dans 6 catégories dont, le jeune styliste, le mannequin new face fille comme garçon, le journaliste BCBG, l’animateur BCBG et le sapeur BCBG. A côtés de cela, nous avons eu 19 prix spéciaux avec, entre autres, le styliste d’honneur féminin et masculin, la personnalité BCBG… Si la mode atteint le niveau qu’il a, c’est parce qu’il y a un travail qui été abattu. Donc, il faut magnifier ces personnes.
Quel bilan faites-vous de cette première édition ?
Personnellement, je n’ai pas grande chose à dire sauf que les gens ont apprécié l’initiative. Nous avons eu des retours positifs. Il y a eu de l’innovation et le contenu de l’évènement était alléchant. Nous avons eu un défilé écologique avec des créations faites à base de plantes. Cela, pour magnifier la nature. C’est un message que l’on donne car, il faut sauvegarder l’environnement qui est très utile pour l’humanité. Nous avons eu également un défilé des personnes du 3e âge. Là encore, c’est un message que nous avons envoyé pour dire que malgré l’âge, il faut toujours bien s’habiller. Un autre message que nous avons fait passer c’est celui qui tend à magnifier la femme de forte corpulence avec le défilé des mannequins ronde. Tout ça pour dire que la femme africaine doit bien se sentir dans sa forme et rester coquette. Car, BIFA c’est de mettre en exergue toutes les créativités de l’art vestimentaire et de l’esthétique.
Pourquoi n’avoir pas placé le cotonculteur dans la catégorie des prix officiels étant donné et comme vous l’avez dit, c’est e pilier de la filière ?
En effet, lorsqu’on parle de cotonculteur, il s’agit de la base de la mode. Nous n’avons jugé nécessaire de mettre ces acteurs en compétition. Nous avons jugé bon de les récompenser en prix spéciaux. Pour nus, ils sont hors catégories. Mais, qu’à cela ne tienne, nous sommes à notre première édition et nous restons ouvert aux critiques constructives et des suggestions.
L’accompagnement que vous avez eu pour la tenue de l’évènement état-il à la hauteur de vos ambitions et surtout de la mission portée par les BIFA ?
(Rires)… Nous n’avons pas eu l’aide que nous avons souhaité. Pour la tenue de l’évènement c’est l’agence BCBG qui a saigné et transpiré pour montrer que ce que nous faisons est noble et vise à valoriser toute la filière de l’art vestimentaire. D’ailleurs, tous ceux qui ont fait le déplacement ce jour-là ont été témoin d’une partie importante de l‘histoire de la mode au Burkina. Ce que nous avons fait a été poignant et c’est un évènement à soutenir eu égard à sa mission. BIFA ce n’est pas seulement un évènement BCBG. Il concerne tous les acteurs de la filière de la mode et de l’art vestimentaire. A la cérémonie, toutes les associations de coton culteurs étaient présentes avec celles des tisseuses, des stylistes… Il n’y a donc pas de raison que de grandes structures qui sont affiliés au domaine ne puissent pas se joindre à nous et nous accompagner. C’est vrai que pour cette édition ils n’ont pas été là, mais je reste convaincu qu’ils sont en route pour les prochaines éditions. Pour ceux qui étaient présents, nous leur disons grandement merci. Nos remerciements vont à l’endroit de notre ministère de tutelle, le ministère en charge de l’artisanat, celui de la jeunesse et le maire de la commune de Ouagadougou.
A quoi doit-on s’attendre pour les prochaines éditions de BIFA ? N’avez-vous pas peur de ne pas pouvoir surprendre agréablement le public étant donné que pour la première édition vous avez placé la barre très haute ?
(Rires)… C’est en cela que se manifeste la bénédiction de BCBG. Tous ceux qui suivent notre actualité, savent que nous avons toujours surpris à chaque évènement. C’est dire que nous réservons encore quelque chose d’extraordinaire pour la prochaine édition s’il plait à Dieu. Vous serez encore comblés.
Quel message avez-vous à l’endroit de tous les acteurs de la mode ?
Mon souhait est que tous les acteurs de la mode se donnent les mains et avancer positivement. Nous souhaitons aussi la contribution de tous pour aider le BIFA à grandir. Car, c’est main dans la main que nous allons faire bouger les grandes lignes. Nous souhaitons que les prochaines éditions soient internationales et qu’on puisse avoir un budget à même de faire venir des stylistes à l’international. Car, la mode, c’est un brassage. C’est dans l’échange que l’on va acquérir plus d’expériences pour évoluer.
Propos recueillis par Adama SIGUE