La 1ère édition du Salon international de la Femme de Ouagadougou (SIFO) déroulée du 4 au 5 mai 2017 a connu la participation des femmes battantes et engagées. Sont de ces figures féminines qui se révèlent comme des modèles de réussite, Assita Kanko, originaire de Godyr au Burkina Faso et Belge depuis une dizaine d’années. Celle-ci qui porte plusieurs casquettes (écrivaine, femme politique,…) travaille sur les droits des femmes et évolue, depuis 10 ans, dans le secteur privé bancaire à Bruxelles où elle réside. Dans une interview à Afriyelba en marge du SIFO, Mme Kanko a confié, avec humour, qu’elle est née pour être révolutionnaire, allusion au jour de sa naissance (14 février 1980) qui coïncide avec la révolutionnaire française. Sur les motivations de son engagement en politique, elle a dévoilé que l’inspiration est venue de Thomas Sankara et de Norbert Zongo. Qu’à cela ne tienne, il y a un fil rouge qui est l’émancipation de la femme, de l’individu, dans tout ce que fait Assita Kanko.
Afriyelba : Veuillez-vous présenter à nos lecteurs ?
Assita Kanko : Je suis née au Burkina Faso, le 14 juillet 1980, le jour de la révolution française. Donc, je suis née pour être révolutionnaire (rires), j’ai 36 ans, je suis mariée, j’ai une fille de 9 ans. Je suis devenue belge depuis une dizaine d’années et élue au conseil municipal de la commune d’Ixelles à Bruxelles (Belgique). Je siège également comme conseillère de police de la zone de Bruxelles Ixelles comme administratrice à la coopération technique belge et je suis écrivaine. Je dispose d’un master en politiques internationales et je termine un MBA pour diriger les entreprises. Je suis venue ici à Ouagadougou dans le cadre du Salon international de la Femme de Ouagadougou (SIFO) pour partager on expérience dans la vie politique, dans le secteur privé notamment bancaire et pour soutenir l’initiative concernant l’émancipation des femmes sur le plan financier grâce au travail par l’entreprenariat.
Qu’est-ce qui justifie votre engagement en politique ?
Comme beaucoup de personnes qui sont nées au Burkina Faso, Thomas Sankara et Norbert Zongo ont constitué le début de mon inspiration en politique. Arrivée en Belgique, c’est l’injustice faite aux femmes qui a contribué à m’engager là-bas aussi dans la politique.
Comment êtes-vous arrivée à vous faire élire ?
Quand je me suis présentée aux élections, je connaissais en gros 3 personnes : ma mère, mon mari et ma fille et quelques personnes dans mon travail. Je ne connaissais pas grand monde. Quand on m’a donné ma place, ce n’était pas une place éligible, car c’était la place n°21 sur une liste de 43 personnes où on n’a que 15 élus, ce n’était pas évident. J’ai fait campagne, j’ai fait toute ma commune à pieds pour dire bonjour aux gens, leur expliquer qui j’étais et pourquoi je serais une bonne élue pour eux. On a fait une conversation et à la fin, j’ai été élue 9ème sur ma liste et j’ai continué à travailler, à écrire mes livres en publiant deux livres en 2014 et en 2015. J’ai continué à travailler et c’est comme ça que je suis devenue conseillère de police il y a seulement 2 semaines. Je m’investis au niveau de l’international à travers la coopération. Pour moi, le travail paie et il faut continuer à se battre. Maintenant, on a forcément besoin de soutien. Il faut, avant ce soutien, croire en soi et aller vers les gens pour demander de l’aide. J’ai des volontaires, j’ai ma famille, j’ai mes amis qui croient à moi parce que je crois à moi.

Quel regard portez-vous, depuis la Belgique, sur la situation de la Femme burkinabè ?
J’ai grandi au Burkina Faso, j’ai porté de l’eau, je suis allée au puits chercher de l’eau. Mon papa est instituteur et on était dans un petit village d’abord à Kéra puis à Tenado (ndlr : dans le Boulkiemdé, provinciale natale de Mme Kanko). Puis avec un seau d’eau sur ma tête, plus je grandissais, plus mon seau devenait grand. Donc, je connais bien la situation de la Femme burkinabè, j’ai préparé du tô avec du bois, j’ai fait tout cela. Je pense que la Femme burkinabè travaille beaucoup mais elle travaille surtout gratuitement et personne ne lui dit merci. Tout le monde part du principe qu’elle est là, qu’elle fait presque partie des forces sans lesquelles l’on ne survivrait pas en tant que famille. Mais il est temps de lui dire merci, de la rémunérer pour ce qu’elle fait et surtout qu’elle puisse, grâce à son travail, se sécuriser, pouvoir dire non à un certain nombre de choses comme l’excision, la polygamie, comme certaines formes de violences. Et tant qu’elle n’est pas indépendante financièrement, Thomas Sankara a dit que la main qui nous nourrit va nous commander. Et le problème est que beaucoup de femmes sont encore commandées par seulement au Burkina Faso mais aussi en Europe. Il y a encore beaucoup de femmes qui sont dominées à cause de la pauvreté. C’est quelque chose qui me rend extrêmement triste et de savoir que beaucoup de petites filles sont excisées comme je l’ai été. Savoir qu’aujourd’hui en 2017, des petites filles sont encore excisées, c’est extrêmement triste. Mais il y a aussi un regard positif. Je vois comme l’évènement d’aujourd’hui (ndlr : le Salon internationale de la femme de Ouagadougou) la femme burkinabè qui se lève et celle là, il faut la reconnaître, l’encourager pour qu’elle continue à progresser.
Les femmes ont aussi joué un rôle actif dans le changement opéré dans le pays….
Absolument. J’ai été au lycée provincial de Koudougou quand on a commencé à se battre après l’assassinat de Norbert Zongo. Je fais partie des jeunes filles qui se battues en 1998-1999. Aujourd’hui, les femmes ont participé beaucoup ainsi que les jeunes mais comme dans toutes les révolutions, parfois, les femmes sont oubliées. Après la révolution française, la déclaration des Droits de la femme et de citoyenne a été écrite par Marie Gouze, dite Olympe de Gouge (ndlr : femme de lettres française, devenue femme politique et considérée comme une des pionnières du féminisme français) mais a été guillotinée pour ça. C’est dire dans l’histoire de l’Humanité, à chaque révolution, on a un peu oublié les femmes quand on distribue les postes ou les richesses. Mais, j’ai entendu que je suis venue en janvier 2016 avec le ministre de la coopération au développement belge et vice-premier ministre, Alexander Du Croo, que le président du Faso que nous avons rencontré allait faire de l’émancipation de la Femme, une priorité. C’est quelque chose qui donne de l’espoir. Il faut que la femme ne soit pas seulement sur les routes pour aller chercher de l’eau. Il faut que les petites filles soient plus dans les classes, les conseils d’administrations, les parlements, plus que dans les salles d’accouchement et dans les cuisines parce qu’elles ont beaucoup plus à offrir que ça au Burkina Faso.
De Koudougou à Bruxelles, quelles sont les difficultés qui ont jalonné votre parcours ?

La première difficulté, c’est quand on ne croit pas en soi. Je suis une fille qui a toujours été ambitieuse. Parfois, vous allez rencontrer des gens qui vont vous dire que ce n’est pas possible, ce que tu penses est irréalisable. Mais il faut le faire. Il faut y croire. J’ai lu hier dans l’avion l’histoire de la première femme pilote de «Royal Air Maroc ». Le jour où elle était candidate, il y avait une brochure qui recherchait des garçons de 18 ans. Elle n’était même pas un garçon mais elle s’est portée candidate. Pour moi, rien n’est impossible. Il faut juste foncer. En essayant, on trouve le chemin pour aller vers les gens dont on a besoin en ce moment là.
Que faut-il faire, de façon concrète, pour améliorer la situation de la Femme ?
Ce qu’il faut faire, c’est ce que vous êtes entrain de faire. La presse couvre de plus en plus, les questions liées aux difficultés que rencontrent les femmes et les opportunités qu’elles peuvent apporter à la société. Les esprits sont entrain de s’ouvrir, il faut continuer cela et encourager les femmes à se présenter aux élections, encourager les banques et les fonds d’investissement à soutenir les projets des femmes. Parce qu’elles vivent encore beaucoup de discriminations même quand elles ont une bonne idée. Il faut qu’elles soient représentées, qu’il y ait des modèles qui puissent inspirer les petites filles qui grandissent. Ont dit souvent au petit garçon : quand tu grandiras, tu seras un chef, tu seras médecin ou président de la République » mais aux femmes on ne dit rien. Mais elle sait que l’on attend qu’elle devienne la femme de quelqu’un, qu’elle travaille gratuitement comme sa mère et sa grand-mère, et que ses enfants méritent rien venant d’elle à part sa sueur et sa souffrance. Je suis pour que l’on valorise l’apport de la Femme dans la société et que l’on lui dise exactement la même chose que l’on dit au garçon.
Interview réalisée par Saïdou Zoromé
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Revoir l’introduction vous avez écris qu’elle est née le 14 février et non juillet.