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02 février 2012 – 02 février 2018 : Six ans déjà que nous quittait Georges Ouédraogo.


Aujourd’hui 2 février 2018 marque le 6e anniversaire du décès du baobab de la musique burkinabè Georges Ouédraogo. Nous vous proposons dans les lignes qui suivent un écrit de Almamy Becker Ouédraogo sur la disparition du Gandaogo national. Ecrit dans lequel l’auteur revient sur le parcours de l’artiste.

« Jeudi 02 février 2012. Il est très exactement 5 heures et 15 minutes, lorsque je reçois un sms de l’artiste chanteur Bamos Théo. Sur l’écran, ce message court et lourd « Bonjour. Une très mauvaise nouvelle. Georges Ouédraogo a rendu l’âme à la Clinique du cœur ». « Quoi ! » comme parlant à un interlocuteur inconnu, me suis-je écrié.
Je refuse de croire à cette triste nouvelle. Peut être, avec le sommeil, ai-je mal lu. Je me précipite vers mes lunettes. Je les chausse. Le même message est là. Implacable. Triste et luisant sur l’écran de mon portable. Maudit portable. Là, abattu et déboussolé, j’appelle Bamos Théo puis Fat Lion qui me confirment la triste nouvelle.
Je m’assois sur le rebord du lit, la tète entre les deux mains, abasourdi et désorienté. Le regard hagard et triste. Que dire ? Que faire ? Qui appeler. Je revis tristement le concert qu’il avait donné à l’Institut français de Ouagadougou, le 21 janvier dernier.

Je revoie Salif Sanfo, présentateur de la soirée, me racontant cette anecdote « Fatigué et malade, Georges était dans les coulisse avec sa canne. Des que je l’ai annoncé sur scène, je me suis retourné, et je l’ai vu jeter sa canne, entrer sur scène et revivre une nouvelle jeunesse ». Je me mets à sourire. « Sacré Georges !» Oui sacré Georges ! Je reprends courage et me met à envoyer des messages à toutes les rédactions et aux hommes de culture aussi bien du Faso que de la Cote d’Ivoire. Tous sont abasourdis. Beaucoup me demande où avoir des informations sur sa vie. Là je me rends compte qu’on a grandit avec la musique de ce grand Monsieur, ne sachant de sa carrière que ses tubes et son passage dans le groupe « Bozambo ».
Je décide alors de partager le peu que je sais de Papa Georges (c’est comme ça que nous jeunes du show biz l’appelons affectueusement). Le peu que je sais du « Gandaogo », l’intrépide auteur, compositeur, batteur, arrangeur, et poly instrumentiste burkinabè qui a osé ( le mot a tout son sens) porté la musique burkinabè hors de ses frontières. C’est par lui que la musique nationale burkinabé a commencé à s’exporter au début des années 70, à une période où le patrimoine musical burkinabé était totalement inconnu à l’extérieur. Parcours de l’artiste.

Un début modeste …

Né en 1947 à Gogo-Komsilga, à une cinquantaine de kilomètres au Sud de la capitale, Georges Ouédraogo est confié à son enfance, par sa mère, à un de ses oncles qui devait le former aux techniques de la menuiserie. Le petit Georges qui n’avait d’yeux que pour les musiciens se contentera plutôt de côtoyer les groupes musicaux dans les différents bars de Ouagadougou.
Comme tous les grands conquérants appelés à briller sur le toit du monde, il commence sa carrière au bas de l’échelle, comme « ramasseur » de matériel de musique et se lie d’amitié avec le musicien Jean Hyacinthe Tapsoba qui l’initie aux arcanes du monde de la musique. Nourri par l’expérience de ce dernier, le petit Georges qui rêve grand, se forge à la maitrise de certains instruments tels la tumba. Il fait ses premiers pas dans la musique au cours des années 60, comme percussionniste au « Tiko-Tiko Bar» de Ouaga.
Si Ouagadougou est la capitale politique, Bobo Dioulasso est celle culturelle. Et Bobo-Dioulasso est l’étape charnière entre Ouagadougou et Abidjan dont les sirènes attirent déjà de grands musiciens ouest-africain de l’époque. En 1965, il dépose ses bagages au « Volta Jazz » de Bobo-Dioulasso comme tumbiste. Au Volta Jazz, il s’initie à la batterie et compose, en 1967, sa première chanson en mooré.

… à la conquête du monde

Ce qui lui fait prendre confiance et l’emmène à Abidjan, en Cote d’Ivoire où il se fait engager chez le trompettiste ivoirien Fax Clark au «Jazz Club quartier latin». Sur les conseils de Clark, il apprend la batterie et porte la casquette de chef d’orchestre du groupe «Les Troubadours», puis les « Freemen » qu’il quittera en 1971 pour le « New System Pop », avant de se retrouver en 1973 en Allemagne de l’Ouest au sein du mythique et célèbre groupe « Bozambo » qu’il crée avec ses amis Jimmy Hyacinthe et Rato Venance.
Avec le « Bozambo », Georges est au sommet de son art. Avec ses amis, il compose des chansons à valeur morale sur les faits de société et popularise la warba, une musique traditionnelle mossé. Leur premier 33 tours paru en France en 1976 est un véritable succès en Afrique et au sein de la diaspora africaine en France. Les compositions signées par Georges Ouédraogo dans cet album feront de lui l’ambassadeur de la musique burkinabé en Europe. Le Gandaogo venait de naître. Il s’imposera désormais comme une référence incontournable pour tous les burkinabé qui ont choisi de faire carrière dans la musique.

… retour difficile au pays

Georges Ouédraogo et le « Bozambo font le bonheur des meilleurs night clubs d’Allemagne. Il s’offre également des duos avec Aicha Koné, Tshala Muana, Mbilia Bel. Malheureusement, le groupe vole en éclats, et Georges doit faire cavalier seul. En 1978, il rentre définitivement au Burkina. De retour au pays, après l’épopée Bozambo, Georges Ouédraogo connait un passage à vide. Une traversée du désert, sans production et livré à lui-même. Une traversée du désert que l’artiste de son vivant avait lié à des questions politiques. Sans plus dire.
Une période difficile qui contraste avec la splendeur de sa voix et de son dévouement à imposer la musique burkinabè au devant de la scène mondial.

… Meilleur artiste burkinabè de tous les temps

Comme un sphinx, le gandaogo renait de ses cendres. L’album «OUA», sorti en 1997, puis les opus «Gnou Zemes» (2000) et «Rosalie» (2003) lui permettent de rester présent sur la scène discographique. La jeune génération découvre un grand artiste. Jamais démodé, Georges Ouédraogo peut se targuer d’avoir fait danser des générations entières! C’est en toute légitimité qu’il est élu «Meilleur artiste de tous les temps» à la première des Kundé en 2000. Trois ans plus tard, il était couronné «Kundé d’or».
Il reçoit le samedi 12 avril 2008, au cours de la soirée de la soirée de ses 40 années de musique, la médaille d’officier de l’Ordre de mérite des arts, des lettres et de la communication.

..un héritage musical à préserver

Une voix unique avec un sens profond de la parabole et de la mélodie. A cette jeunesse qui le découvre, il laisse un testament sonore. Un héritage musical. Il laisse une musique warba saupoudré de blues, qui met en avant sa grande maitrise de la langue mooré.
Il laisse aussi son album « Tingré » ou souvenir en langue mooré. Souvenir d’une époque et d’un chanteur qui aura marqué son époque avec des tubes tels « Adjaratou », « Hommage à Jimmy » «Pougzinga», « Munafica », « Lebg wa »,», Rosalie » et « Gnou Zemes » qui ont inspiré et continuent d’inspirer les meilleurs de la jeune génération de chanteur qui l’appelle affectueusement « Papa Georges ».

Sa dernière prestation date du samedi 21 janvier dernier sur la scène de l’Institut français de Ouagadou (ex CCF) lors de la soirée « l’âge d’or de la musique voltaïque ». Ce jour là, la démarche lourde et légèrement boiteuse, il avait émerveillé et remué la foule de par son filet de voix unique, son swing mélodique et la profondeur de ses textes.
Plus jamais, cette sublime voix ne s’élèvera dans le ciel du Faso ! Repose en paix « Gandoago » ! Que la terre libre du Faso te soit légère.

Almamy Becker Ouédraogo


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