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Gervais Kwéné: « Le plus grand hommage qu’on puisse rendre à Idrissa, c’est de réaliser son projet de film « Boukary Koutou »


 

 Il fait partie de cette jeune génération de cinéastes qui fait la fierté du pays des hommes intègres, avec des réalisations comme la série « quand les éléphants se battent » ou la fiction long métrage « une femme pas comme les autres ». Il a été stagiaire à la réalisation en 1999 sur le film « Kadi Jolie » de Idrissa Ouédraogo. Lui c’est Gervais Yoropo Francois Kwéné, administrateur général  de Doubacom production, une agence conseil en communication et de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Après l’inhumation du maestro, Afriyelba est allé à sa rencontre ce jeudi 22 février, à Ouagadougou. Dans cette interview, il nous parle de sa rencontre avec Idrissa Ouédraogo et du film que le regretté  lui aurait demandé de produire. Il se prononce également sur la crise au sein de l’Union Nationale des Cinéastes du Burkina (UNCB), et appelle ses collègues à plus d’unité. Lisez-plutôt

Afriyelba : Comment avez-vous accueilli la nouvelle de la mort de Idrissa Ouédraogo?

Gervais Kwéné : (Soupirs !). J’ai appris la nouvelle avec choc. Je l’ai appris tardivement le dimanche aux alentours de 14h. J’étais à la messe à 11h, après je suis allé rendre visite à un parent malade et c’est là que je reçois un message du cabinet du ministre de la culture des arts et du tourisme qui reporte à une date ultérieure une rencontre que je devais avoir avec le ministre le lundi à 8h 30mn, parce que le cinéaste Idrissa Ouédraogo avait quitté ce bas monde. J’étais complètement désemparé, choqué d’autant plus que ces derniers temps lui et moi étions sur des projets. Notamment celui concernant la réalisation d’un film baptisé « Boukary Koutou ». Le 5 janvier 2018 après mes congés de fin d’année il m’a remis un projet de film sur  Boukary Koutou et m’a demandé de le produire. Ce jour-là il était avec Vincent Koala, et m’a demandé de l’aider à produire le film pour qu’il aille dire à feu Sembene Ousmane ceci: « Toi tu n’a pas pu faire Samory Touré, mais moi j’ai fait Boukary Koutou ». Je lui ai répondu qu’on ne pouvait pas avoir l’argent avec les blancs pour financer ce film parce qu’il relate la version africaine des faits. Le mardi avant son décès il m’a appelé autour de 8h00 pour se plaindre du fait qu’il y a un bout de temps qu’on ne s’est pas vu. Le vendredi je suis passé le manquer à son bureau parce que le mardi après notre conversation téléphonique il a été admis en clinique. Il voulait me voir absolument, ça n’a pas eu lieu, je lui présente mes excuses. Malheureusement il ira dire à Sembene: « tout comme toi je n’ai pas pu réaliser Boukary Koutou ».

A quelle année remonte votre premier contact avec Idrissa Ouédraogo?

Mon premier contact avec Idrissa Ouédraogo remonte aux années 1996 1997. J’ai été stagiaire à la réalisation sur le film « Kadi jolie » en 1999. Par la suite, en 2001, j’ai été son assistant réalisateur sur le film la « boutique » qui a été produit par feu Claude Bado. Après cette date il n’y a plus eu de relations de travail en tant que telle entre nous.  On se côtoyait, on s’appelait de temps en temps, jusqu’en 2018 année à laquelle  il m’a demandé de produire « Boukary Koutou ».

Après ces années passées ensemble quel souvenir gardez-vous de l’homme?

Je garde de Idrissa Ouédraogo, un grand homme de culture, un géni qui était toujours à la quête de la perfection, du travail bien fait. C’est vrai que toute œuvre humaine n’est pas parfaite, mais Idrissa est une icône mondiale dans le domaine où il exerçait. Il a hissé  haut le cinéma du Burkina Faso et de l’ Afrique, il a eu des prix partout dans le monde. Je garde de lui l’image d’un homme très généreux parce qu’il avait le sens du partage et  de l’entraide. C’est quelqu’un qui était insaisissable. Il était difficile de cerner Idrissa parce qu’il était pluridisciplinaire. En plus de sa casquette de producteur et de réalisateur de cinéma, il était aussi un metteur en scène avec la tragédie du roi Christophe et un formateur. C’est un homme très rigoureux qui aimait son prochain et parlait tout le temps de cinéma.

Quelle est l’histoire qui est racontée dans le projet de film sur Boukary Koutou?

Le projet de film sur Boukary Koutou parle de l’opposition entre ce roi des mossé et la colonne Paul Voulet et Julien Chanoine. Quand les colons sont arrivés, il y avait une sorte de faux fuyant, Boukary se cachait, on n’arrivait pas à le capturer, ce qui  embarrassait beaucoup les deux Français. La trame narrative du film tourne autour de cet état des choses c’est à dire de l’incapacité des deux colons français à s’imposer en territoire moaga.

Aujourd’hui, prenez-vous l’engagement de produire Boukary Koutou pour rendre hommage à Idrissa Ouédraogo?

C’est mon souhait. Lui et moi avions échangé sur le film et je lui avais donné ma parole de le produire parce que c’est un honneur pour moi. Nous ne sommes pas de la même génération. Moi je suis de la troisième génération des cinéastes Burkinabé contrairement à lui qui est de la première génération. Aujourd’hui il y a les ayant droits de Idrissa Ouédraogo. Quand les choses vont se calmer, J’irai discuter avec eux pour  voir la faisabilité de la réalisation du film. Honnêtement, ça me tient à cœur. Déjà j’ai ma petite idée qui est de rassembler tous ceux qui  ont travaillé avec Idrissa Ouédraogo, je veux parler des techniciens, des réalisateurs, des comédiens etc. pour  mettre en place un plateau fédératif de co-réaliation de  « Boukary Koutou ». Je pense que c’est le plus grand hommage qu’on puisse rendre à l’illustre disparu. Depuis qu’on est ensemble il ne m’avait  jamais demandé de le produire, je ne comprends pas pourquoi c’est en ce moment qu’il me l’a demandé. Je n’ai pas encore pu décoder ce message de dernière minute. J’ai réalisé beaucoup d’œuvres cinématographiques, mais que le maestro vienne me demander de le produire vraiment je suis touché par cet acte. Au départ le budget du film tournait autour de 1,5 million d’euro, mais après réflexions,  en tenant compte  de la rareté des moyens financiers, nous nous sommes accordés sur un budget d’environ 300 à 500 millions de FCFA.

Un autre rêve de Idrissa Ouédraogo était de réaliser un film nommé « le rêve de Sita », pour le cinquantenaire du FESPACO. Un rêve que l’UNCB a pris l’engagement de poursuivre.Pensez-vous que ce rêve du maestro sera une réalité un jour?

Je ne peux pas répondre à la place du président par intérim de l’UNCB qui, effectivement, avait pris l’engagement le jour de l’inhumation de Idrissa de poursuivre le projet en question. J’ai écouté le discours tout comme vous, je ne sais pas quels sont les tenants et les aboutissants. Il a dit vouloir poursuivre le rêve, mon souhait est qu’il puisse le faire. En ce qui me concerne, c’est le projet « Boukary Koutou ».  « Le rêve de Sita » n’était pas le seul projet de l’homme, il avait aussi une autre idée de film intitulée « la mangue ». Chaque fois qu’on se voyait il me parlait toujours de plusieurs projets. C’est maintenant que je comprends que c’est l’homme qui, au soir de sa vie, voulait tout faire.

A la soirée d’hommage à Idrissa Ouédraogo, Pierre Rouamba ancien compagnon du maestro avait demandé la numérisation des films du défunt. Que répondez-vous à cette requête?

 Les gens ne vont pas à l’information, les œuvres de Idrissa Ouédraogo sont numérisées depuis très longtemps.  La francophonie a lancé il y a quatre ans, un vaste programme de numérisation des archives Africaines et le Burkina Faso a eu sa part de soutien. Tous les films du maestro sont numérisés  et sont disponibles à la cinémathèque Africaine. Maintenant, il faut faire un travail de restauration à un certain niveau. Numériser c’est un fait mais il faut restaurer les bandes qui datent de depuis 1980.

Parlez-nous de Doubacom et des projets sur lesquels vous travaillez actuellement.

Doubacom est une structure que j’ai créée en 2013, après ma démission de la direction d’artistes production. C’est une agence conseil en communication et en même temps une maison de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles de tout genre. Doubacom depuis 2015, est entrain de produire un film documentaire sur les 50 ans des Jeux Africains. Toujours sous la coupole de Doubacom, je suis en train de réaliser un long métrage sur les 50 ans du FESPACO. J’avais même prévu de commencer les interviews avec Idrissa Ouédraogo, mais la faucheuse en a décidé autrement. A côté de ces projets, il y a  une série de 100 épisodes longue chacun de 13 minutes baptisée Haro aux criminels du genre. Une série inspirée des sketchs de Lamoussa Theodore Kafando et qui sera produite courant 2018 -2019. Il y a également un projet de documentaire sur la cartographie de la ville de Ouagadougou.

Quel message avez-vous à l’endroit des cinéastes Burkinabé au lendemain de la disparition de l’étalon d’or 1991?

Le message que j’ai est simple. Je les appelle à l’union, à la fraternité, à la collégialité dans le travail. Idrissa, à ses dernières heures, était en colère contre les cinéastes. Il se plaignait de la façon dont on se divisait à cause du milliard que le président du Faso nous a octroyé. L’autre  problème au sein de notre structure faitière qui est l’UNCB, est que le mandat du bureau sortant est expiré depuis le 15 septembre 2017 et il ne veut  pas convoquer une assemblée générale élective pour renouveler les instances dirigeantes de l’union. Ses membres  veulent rester dans l’illégalité, végéter et gérer les choses en notre nom. Ce qui n’est pas du tout normal. En ce qui me concerne j’ai saisi la doyenne des juges pour qu’on ordonne un audit des deux exercices passés de l’UNCB (2010-2014, 2014-2018). Le juge va situer les responsabilités, s’il y a des charges qui constituent des délits, ceux qui doivent en pâtir, en pâtiront, ceux qui n’ont rien à se reprocher ne doivent pas trembler. C’est mon mot de fin.

     Propos recueillis par Ismaël Gansonré


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1 comment

SAWADOGO Halidou Pagnagdé Fév 26, 2018 at 22 h 28 min

‘ Il fait partie de cette jeune génération de cinéastes qui fait la fierté du pays des hommes intègres, avec des réalisations comme la série « quand les éléphants se battent » ou la fiction long métrage « une femme pas comme les autres ». Lui c’est Gervais Yoropo François Kwéné.  » Je vous demande de rectifier. « Quand les éléphants se battenta » tout comme  »Une femme pas comme les autres » ont été réalisés par Abdoulaye Dao. C’est vrai que le même Gervais s’est frauduleusement proclamé producteur de  »Quand les éléphants se battent » au BBDA. Mais je vais rectifier ça aussi.

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