Dans la sphère des faiseurs de Djongo, il faudra désormais compter avec lui. A son actif, il a déjà plusieurs œuvres au rythme de cette sonorité du peuple Kasséna. Ses singles, « Di Sa Djongo », « tan Soua », pour ne citer que ceux-là ont déjà conquis le cœur des mélomanes tant au plan national qu’international. Mais, l’artiste ne compte pas s’arrêter là. Le rythme Djongo, il compte, en effet, en faire son identité musicale. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, Dénis Apouri de son nom d’artiste Saga Den, car c’est lui qu’il s’agit, nous parle de sa jeune carrière et de ses projets. Egalement gendarme de profession, l’artiste nous raconte comment il arrive à assurer ses tâches de pandore et vivre sa musique.
Afriyelba : Comment Saga Den est arrivé dans la musique ?
Saga Den : Je dirai comme pour la plupart des artistes. J’ai pris goût à la musique étant très jeune. C’est à l’école primaire que j’ai commencé à interpréter des chansons de certains artistes. Lors des célébrations de fin d’année scolaire, j’étais également volontaire pour jouer en interprétant des artistes. Un peu plus tard, j’ai commencé à griffonner des textes moi-même. Je voulais aller plus loin donc, à partir de là, j’ai commencé à prendre part à des concours en musique. Entre autres, le concours du Karaoké de la radio Ouaga FM où j’ai été lauréat. C’était en 2009. Aussi, j’ai pris part à Faso Academy. Mais, là-bas, j’ai été éliminé très tôt car, la même année je préparais mon concours d’entrée à l’école de la gendarmerie. En outre, parallèlement à ces concours, j’étais dans un orchestre, le Suprême Kombenba. C’est ainsi qu’après ma formation à l’école de la gendarmerie, j’ai décidé de faire carrière dans la musique.
Le fait d’avoir été lauréat au concours Karaoké vous a-t-il joué un rôle dans votre engagement en tant qu’artiste ?
Je dirai que c’est à partir de ce prix que j’ai ouvert les yeux. Sinon, auparavant, à la limite, je m’amusais à faire la musique. J’ai participé au concours par pur hasard. Et contre toute attente, je suis arrivé en final où on devait jouer en semi-live. Ceux qui étaient présents ce jour ont beaucoup apprécié ce que j’ai donné comme prestation. A la fin, un monsieur m’a même approché pour me féliciter et m’offrir une guitare. Il m’a également conseillé d’apprendre à jouer à un instrument de musique. Conseil que j’ai suivi car, de là, j’ai commencé à jouer dans des chorales et j’ai finalement participé à l’orchestre Suprême Kombenba. Mais cela n’a pas été d’une longue durée car, après, j’ai été admis à l’école de la gendarmerie. Il faut dire qu’en ce moment j’avais perdu espoir de refaire de la musique un jour. Je ne savais pas qu’étant dans le corps, on pouvait continuer à jouer. Mais, lors de mon stage, j’ai rencontré un doyen dans le corps qui chantait également. C’est ce dernier qui m’a redonné espoir, m’a encouragé et m’a indiqué la procédure à suivre si je voulais toujours continuer à chanter. Avec lui, j’ai également travaillé en studio. Il préparait son deuxième album sur lequel j’ai fait les chœurs. C’est ainsi que le propriétaire du studio m’a remarqué et m’a fait chanter. Ma toute première chanson « Rama », je l’ai composé avec lui. Il jouait au clavier et moi je chantais. Peu à peu, il a finalement proposé de me produire et on a travaillé pour sortir mon premier album, « J’ai foi ».
Mais ce premier « bébé », comment s’est-il comporté sur le marché ?
L’album a été très bien apprécié sur le marché. Seulement, en son temps, je n’étais pas du tout disponible. Je n’avais pas le temps pour faire la promo de l’album. Plusieurs personnes connaissaient mes chansons et les appréciaient mais, on ne me connaissait pas. Car, très rarement, on me voyait sur des scènes. Cela, parce qu’après la sortie de l’album, ma hiérarchie n’étant pas au courant, m’a muté à la frontière du Benin.
C’était une sorte de sanction ?
Non, pas du tout. C’est dans l’ordre normal des choses. C’est vrai j’avais eu l’autorisation pour chanter mais, il n’y avait rien de sérieux et je n’étais pas vraiment connu. Donc, j’ai été muté à la frontière entre le Burkina et le Bénin. Je revenais seulement à Ouaga quand j’avais des prestations. J’en profitais pour passer sur des plateaux télés et radios de temps à autre. C’était très difficile mais cela n’a pas été en vain. Car, j’ai pu me faire connaitre un peu et beaucoup de mélomanes s’adressaient à ma hiérarchie et lui parlait de moi. Pour me permettre donc de poursuivre ma carrière, j’ai été appelé et actuellement je suis à la cellule communication.
Dans votre premier album il n’y a pas eu de style musical particulier. Qu’est ce qui explique cela ?
Disons qu’en son temps, Saga Den n’avait pas de style particulier. C’est vrai, je suis beaucoup plus RnB mais il y avait du Zouk, du Coupé Décalé. L’idée, c’était de travailler selon l’inspiration. Donc, « J’ai foi » a été une variété de styles.
Mais, actuellement vous tendez à aller vers le Djongo…
En effet. Après mon premier album, j’ai été au village, dans le Nahouri, mon fief pour une prestation. Une fois là-bas, j’ai senti qu’il manquait quelque chose, je me sentais un peu perdu. Donc, j’ai voulu qu’il y ait une originalité dans mes œuvres. J’ai commencé à réfléchir et c’est alors que j’ai décidé de faire comme Bill Aka Kora. C’est-à-dire, du Djongo. Très tôt, j’ai composé « Di Sa Djongo », un single tradi-moderne que nous avons soumis au grand frère Bill qui a critiqué l’œuvre et nous a accompagnés. Ensuite, j’ai fait une collaboration avec une grande dame de la musique burkinabè, Yili Nooma. Après cela, je suis revenu avec « Tan Soua » qui a été un succès après « Rama ». « Tan Soua » a plus voyagé que « Rama » car, même en Europe, il y a des chorégraphes qui utilisent cette chanson pour enseigner la danse. Sur le plan national, dans plusieurs compétitions, le morceau a été choisi et interprété. Avec ce style, j’ai été beaucoup apprécié. Je compte désormais faire du Djongo mon identité.
De « Rama » à « Tan Soua » en passant par plusieurs singles il y a eu quand même du chemin. Cela dit, comment appréciez-vous l’évolution de votre carrière ?
C’est dur de s’apprécier soi-même. Mais je dirai que je me bats.
Voici « Tan Soua » de l’artiste Saga Den
Est- ce que vous sentez que les choses avancent dans le bon sens ?
En effet, il y a de l’évolution. Je n’ai pas encore atteint mes objectifs, j’en suis très loin d’ailleurs. Mais déjà, il y a une différence entre mes débuts et maintenant. J’ai le respect de tous mes collègues artistes. Si aujourd’hui je me tiens devant un autre artiste il va me respecter car il sait de quoi je suis capable. A part cela, je dirai que c’est la promotion qui fait défaut. Notre génération d’artistes à un sérieux problème pour promouvoir ses œuvres. Nous avons du mal à nous faire connaître et vendre plus. Mais, nous nous battons sans répit. Ma collaboration avec Yili Nooma a été possible parce qu’elle a apprécié mon travail et ce que je fais. Il en est de même pour Dez Altino qui a accepté de parrainer la sortie de « Tan Soua ». Il nous reste un long chemin à parcourir mais, nous avons foi en ce que nous faisons et nous irons loin.
Vous l’avez dit, vous êtes un gendarme. En même temps, vous voulez faire carrière dans la musique. Est-ce que c’est toujours facile de concilier ces deux professions ?
Pour dire vrai, ce n’est pas facile. Mais, le vrai problème réside dans le soutien. Aussi, la musique a besoin que l’on soit libre pour la vivre pleinement. Ce n’est pas le cas à mon niveau et je travaille à ma manière pour palier à cela. Mon statut de gendarme prime et j’essai en fonction de mon temps libre de suivre ma carrière musicale. Aussi, je sais que c’est en travaillant que je réussirai à mettre encore en confiance ma hiérarchie qui pourra me soutenir davantage. Sinon, ce n’est pas facile pour le moment. Il y a des promoteurs qui veulent s’associer à moi mais qui sont réticents parce que je suis gendarme.
Et, si vous devez choisir entre les deux professions ?
Je ne pense pas qu’il ya un choix à faire. Les deux sont complémentaires. J’aime la musique et j’aime aussi la tenue bleue. Je suis allé à la gendarmerie parce que j’ai aimé ce corps. Actuellement j’y suis et on me permet de vivre ma musique. Ce que certaines personnes ignorent c’est que la gendarmerie contribue à la promotion de la culture. Je suis dans la cellule qui travaille à cela et nous soutenons beaucoup d’artistes. A notre niveau, nous avons également plusieurs hommes et femmes de cultures.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le showbiz burkinabè ?
Pour être honnête, je dirai que le showbiz burkinabè est toujours au stade de l’œuf. Chaque artiste se bat de son côté. Ils travaillent à s’entraider souvent avec les arrangeurs et autres. Mais, il manque crucialement une organisation du secteur. Ce qui fait que je dirai qu’on tourne en rond. C’est l’une des raisons pour laquelle les artistes manquent également de soutien. Certains artistes peuvent investir dans le milieu pour donner l’exemple et inciter des personnes de bonnes volontés à emboiter leurs pas. C’est ce qui se passe ailleurs. Mais chez nous, ce n’est pas encore le cas. Du coup, les soutiens sont rares. Aussi, nos doyens qui sont censés sortir pour laisser la place aux jeunes et leur faire des ouvertures sont toujours là, avec nous. Mais, j’espère que les choses vont changer afin que nous ayons une véritable industrie musicale au Burkina.
Quels sont les projets à court, moyen et long terme de Saga Den ?
Déjà, à court terme, il y aura bientôt la sortie du clip de mon featuring avec Barack, intitulé « Dan Kan ». Après cela, nous allons œuvrer à promouvoir le clip au Burkina et à l’international. Aussi, j’ai en perspective de me produire bientôt sur plusieurs scènes live. Car, comme vous le savez, le Djongo se vit mieux en live. Après cela, nous allons travailler à sortir un deuxième album qui, il faut le dire était déjà prêt. Seulement, nous avons décidé d’annuler la sortie parce qu’on veut lui donner une autre vision. Nous comptons travailler à faire sortir une œuvre très originale. Nous voulons sortir un album avec lequel on pourra postuler à des prix internationaux dont le prix rfi.
Votre ambition c’est donc d’avoir le prix rfi ?
Je vise plusieurs prix. Saga Den vise loin et je le dis dans mon titre « Dan Kan ». Il faut toujours viser très loin. Nous voulons, dans l’œuvre à venir, proposer quelque chose d’exceptionnelle et, c’est pourquoi nous travaillons à « djongotiser » nos morceaux.
Vous êtes plutôt tendance RnB et là, vous voulez dire que vous entendez, en gros, « Djongotiser » le RnB.
C’est ça. Même que nous sommes en train de réfléchir afin de « djongotiser », le marceau « Rama ».
Avez-vous un appel à lancer ?
Je voudrais vous dire merci de nous soutenir. Merci à Afriyelba qui nous soutien beaucoup. On peut faire des choses extraordinaires avec le Djongo et pour cela, il faut beaucoup de soutien. Il y a trop de jeunes talents qui, aujourd’hui en ont besoin. Des bonnes volontés et des artistes font déjà beaucoup mais il faut plus pour booster la musique burkinabè.
Interview Réalisée par Adama SIGUE