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Musique : à la rencontre de Bananjos, le meilleur compositeur de musique de film au CANA 2020


Les instrumentistes sont des hommes de l’ombre qui abattent un travail formidable. Si la plupart d’entre eux sont méconnus du grand public, quelques-uns se détachent du lot de par la singularité de leurs œuvres. Allons à la découverte de celui qui a été désigné meilleur compositeur de musique de film de l’année 2020 à la Célébration des artistes nationaux de l’année (CANA).  

Afriyelba : Pouvez-vous vous Présentez à nos abonnés ?

Bananjos : Je m’appelle Bananzaro Thioro Josué, mon nom d’artiste c’est Bananjos. Je suis artiste musicien burkinabè et luthier de formation.

Vous faites un genre musical qui est, jusque-là, peu connu au Burkina. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je fais du fingerstyle qui signifie en anglais le jeu des doigts. Ce style désigne un ensemble de techniques de jeu permettant de jouer des morceaux en utilisant ses doigts indépendamment les uns des autres afin de jouer différentes mélodies et rythmiques en même temps. Donc vous aurez l’impression d’entendre différentes sonorités jouées par la même personne. Il ne suffit donc pas d’être guitariste pour réussir à le faire.

Comment avez-vous adopté ce style et comment les choses se passent pour vous surtout que vous êtes actuellement le seul à pratiquer cette discipline?

Je suis un artiste qui aime beaucoup la recherche. Un peu comme mon père qui fait un travail rare dans la sous-région, celui de luthier. Il m’inspire beaucoup. C’est en 2014 que j’ai découvert le nom fingerstyle, parce que c’est une musique qu’on peut facilement mettre dans le style de l’acoustique ou de l’arpège. Un jour je jouais à la guitare à l’atelier de mon père qui fait face à la voie. Un canadien qui passait m’a entendu et s’est approché pour mieux écouter. Il se trouve que ce dernier est un guitariste et il m’a fait comprendre que je jouais du fingerstyle et ensuite m’a mis en contact avec des devanciers comme Kaki King. J’ai fait plus de recherche pour apprendre et j’ai aimé encore plus. Mon amour pour les musiques de film aidant, j’ai définitivement adopté ce style.

Banajos est le seul au Burkina à pratiquer du fingerstyle.

Depuis 2014 vous êtes le seul au Burkina à faire ce style de musique ?

Il est vrai que même si le style est bien connu en Amérique, en Europe et en Asie, il est encore méconnu en Afrique. Je reste le seul au Burkina. Mais grâce à la magie de l’internet, je suis en contact permanente avec des artistes d’autres pays. A mes débuts je balançais des vidéos amateurs sur Facebook qui ont très vite eu un écho favorable. Grace à cette visibilité j’ai fait des concerts en ligne avec de grands guitaristes comme Carlos Santana, Joe Passana, et pleins d’artistes et musiciens professionnels. Je ne me sens pas seul du tout. J’ai en projet de mettre en place un centre de formation mais ici le talent seul ne suffit pas toujours pour avoir le soutien nécessaire.

Êtes-vous une fois sorti hors du pays pour des prestations ?

J’ai été retenu en 2018 pour représenter le Burkina et l’Afrique dans une compétition aux USA. 57 pays étaient présents et j’étais le seul africain retenu. Mais faute de moyen je n’ai pas pu m’y rendre. Je suis allé vers des structures habilitées à m’aider à trouver un billet d’avion mais je n’ai pas eu gain de cause (soupire). J’ai été au BBDA pour leur expliquer ma situation mais à ma grande surprise le DG (ndlr Walib Bara) m’a pris pour un plaisantin. Il a refusé de voir mon dossier sous prétexte que le BBDA ne pouvait pas m’accompagner. Ensuite par l’entremise d’un aîné mon dossier a été introduit au ministère de la culture. C’est alors que le ministre Sango a demandé au DG du BBBDA de me recevoir. C’est seulement de cette façon que j’ai été reçu et mon dossier pris en compte. Mais malheureusement, grande fut ma frustration car des erreurs commises sur mon nom et ma destination toujours au niveau du BBDA m’ont empêché d’avoir gain de cause dans les délais.

Cette année tu as eu le prix de la meilleure musique de film au CANA. Peut-on estimer que la reconnaissance commence à venir ?

Oui je pense que la reconnaissance commence à venir. Je remercie les organisateurs de cette cérémonie de distinction et je les félicite pour tout ce qu’ils font parce que ce n’est pas facile. Je remercie Abdoul Bagué qui est réalisateur de film. Je lui ai proposé mes compositions comme générique de ses films et il a adopté. C’est encore lui qui a postulé mes musiques dans la catégorie des films de musique au CANA et j’ai remporté.

Avez-vous un projet d’album en vue ?

Bien sûr ! J’ai commencé à enregistrer un album mais je le fais avec mes propres moyens et l’aide d’un petit frère qui se nomme Fanuel. Je l’appelle mon Maestro et il m’apporte énormément pour la réalisation de mon album. Je profite de l’occasion pour lui témoigner mon admiration et ma reconnaissance pour tout ce qu’il m’a apporté. Il nous arrive de travailler par whatsApp mais il arrive toujours à me satisfaire.

Y’a-t-il une date pour la sortie ?

Pour l’instant non. Mais si Dieu le permet, l’album verra le jour cette année 2021.

Récemment nous vous avons vu dans un projet avec un autre artiste. Pouvez-vous nous parler de Impro Dios ?

Impro Dios est une collaboration de deux musiciens. Damo avec qui je travaille est un artiste que j’apprécie beaucoup pour sa voix, sa présence scénique. Chaque fois que j’avais un spectacle, je l’invitais et il répondait chaque fois présent et par moment je l’invitais sur scène pour un moment de partage. C’est pareil quand il avait un spectacle aussi. JP du Petit Bazar organisait une soirée de relance des activités culturelles après la période difficile de la Covid19 avec Zabda. Il m’a proposé de faire la première partie du spectacle et Impro Dios est né de la. Comme d’habitude Damo était là et nous avons fait une improvisation. Il me comprend tellement que quand nous jouons ensemble, il est difficile de se rendre compte que nous n’avons pas répété. Quand on a fini la soirée, un monsieur du nom de Franck que je salue au passage nous a approchés  pour nous dire que ça fait 5 ans qu’il est au Burkina mais n’a jamais rien attendu de tel. Ce monsieur au grand cœur nous a dit qu’il avait envie de voir enregistré ce qu’il venait d’attendre. C’est ainsi qu’il a décidé de nous produire. Nous avons déjà fait sortir deux singles et préparons pour bientôt un album.

Ce projet qui est né spontanément a-t-il des chances de faire long feu ?

Tout dépend du programme de chacun. Damo a ses projets solo et moi aussi et chaque fois que le besoin se fait sentir on se consulte pour voir comment nous pouvons travailler. C’est juste une collaboration et non un groupe.

Impro Dios est un projet entre Damo et moi, mais chacun continue sa carrière solo.

Quels sont vos projets pour la nouvelle année ?

J’ai en projet de donner des cours en ligne. Beaucoup de personnes me le réclament au pays et même à l’international. J’ai également un terrain de plus d’un hectare que je compte aménager pour donner des formations de luthier et aussi des cours de musique.

Nous vous voyons également dans des projets extra artistiques. Pouvez-vous nous en Parlez ?

Je milite dans un projet qui soutien des personnes vulnérables suite à la crise sécuritaire. C’est des personnes déboussolées qui ont besoin de notre soutien pour se réinsérer dans la vie active. Si nous délaissons ces personnes, cela pourrait constituer plus tard un problème social plus grand.

Avez-vous un message particulier à faire passer ?

J’estime que les musiciens doivent bénéficier de plus de soutien de nos autorités car ils sont un maillon essentiel de la chaine musicale. Il faut que les talents soient plus mis en valeur. Aussi j’implore Dieu qu’il permette à Afriyelba de continuer toujours à être une référence sur le plan international. Merci à vous.

                                                                          Interview réalisée par Wend Kouni

 

 

 

 

 

 


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